Web 3 : Pour ou Contre ?
Alors que nous venons d’enchainer plus de 150 ans d’innovations débridées qui ont transformé profondément nos usages et nos modes de consommation, il semble que nous arrivions à un stade où le progrès technologique fait débat quant à ses bienfaits. Alors que le web 3 débarque avec paillettes et promesses en tous genres, comment se positionner ?
Vers la fin du progrès par la technologie ?
Depuis les Lumières, et encore plus depuis la Révolution Industrielle, notre civilisation se développe selon le paradigme suivant : le progrès technique apporte sécurité, confort et bonheur. Ainsi, pendant longtemps, les dirigeants du monde occidental ont prôné pour la croissance par cette forme de progrès, afin de réduire la pauvreté et les inégalités de toutes sortes, et d’avancer ensemble vers un avenir radieux et ambitieux. Et il est clair que peu d’entre nous souhaiterions vivre dans les conditions sanitaires du Moyen Âge occidental (et je précise bien occidental).
Mais en 2022, après le covid, le premier trillionnaire de l’Histoire, les vagues de chaleur, le franchissement de la plupart des barrières planétaires, la précarisation rapide des masses, les oppositions se font de plus en plus nombreuses. Nous avons laissé la technologie s’infiltrer dans tous les aspects de notre quotidien, et pour autant, nous ne semblons pas plus heureux, et les inégalités semblent même de plus en plus fortes à de nombreux égards.
Surtout, en créant toujours plus de besoins superficiels, nous avons créé un mode de vie qui requiert bien plus de ressources que ce que la planète peut fournir et régénérer. Comme une machine folle et inarrêtable, nous prenons de plus en plus de vitesse pour foncer dans le mur. Les signaux sont pourtant clairs, mais peut-être encore trop peu perceptibles dans notre quotidien, tant le progrès technique semble pouvoir encore nous en préserver.
Pour combien de temps ? Comme le rappelle Jared Diamond dans sa théorie de l’effondrement, le déclin d’une civilisation se fait généralement par décrochages successifs, qui obligent les gens à se priver de leurs libertés et acquis par à coups, jusqu’à disparaître. Attention, je suis inquiet sur de nombreux choix que notre civilisation fait, et même sur certains qu’elle ne fait pas. Mais je n’ai pas renoncé loin de là, et je reste convaincu que la technologie utilisée à bon escient reste un moteur majeur de progrès socio-économique durable.
Faut-il tout arrêter pour éviter l’effondrement ?
Vous vous rappelez du port du masque ? Des restrictions d’eau ? Des tickets alimentaires ? Du contrôle des naissances ? De la limitation des déplacements internationaux ? Du rationnement d’électricité et d’Internet ? De l’abandon des villes fournaise ? De la terrible année des suicides de masse de centaines de millions de gens ? Certains de ces souvenirs appartiennent encore au futur, mais pour combien de temps ?
Faut-il donc tout arrêter dès maintenant et adopter un mode de vie ancestral, respectueux des limites planétaires et des besoins primaires humains ? Bien évidemment, cela impliquerait de renoncer à de nombreuses avancées, aussi bien des superflues que des essentielles. En effet, une économie aussi avancée que celle de notre civilisation est tout simplement systémique, et le fait de changer plusieurs paramètres en un temps très court créerait de forts bouleversements.
Je suis un défenseur du changement positif, mais pas de la révolution, qui a toujours servi dans l’Histoire les intérêts de ceux capables de la mener à bien. Certes, le système actuel est loin d’être optimal et efficient, mais c’est celui dans lequel nous vivons, et le changer prendra du temps. Probablement beaucoup de temps !
Notre système est lancé vers toujours plus de plus, et il est parfois difficile de faire la différence entre ce qui est un progrès, et ce qui ne fait que renforcer l’influence, le contrôle et la richesse d’une poignée de familles, au détriment de l’aujourd’hui et du demain de beaucoup. J’aime la technologie et le progrès, mais seulement lorsque cela représente un réel progrès pour tous et à tous les niveaux, et qui ne remette pas en cause la capacité des générations futures à profiter de ce même progrès.
Il est donc naturel et compréhensible de s’interroger sur la pertinence de la 5G, du métavers, de la blockchain, et de toujours plus de technologies. Alors que la 6G, le métavers V2 ou la colonisation de Mars sont déjà au programme des grands décideurs économiques, notre civilisation démontre un peu plus chaque jour que le progrès technique n’est pas la seule et unique clé pour apporter sécurité, confort et bonheur. Et si on remettait la société au service de l’individu et du collectif, et non le contraire ?
Comment se positionner face aux technologies du web 3 ?
Pour rappel, lorsque l’on parle du web 3, on peut le découper en trois grandes briques technologiques : la réalité virtuelle (et augmentée, etc.), la blockchain, et le web spatial (IA, data viz, etc.). Pour bien repositionner les concepts, il est important de rappeler que le web 3 représente plus une manière d’utiliser Internet que des technologies, il est donc important de bien faire la différence.
Blockchain
Le web 3 représente cette évolution des usages vers un Internet plus intuitif, décentralisé, apprenant et immersif. En décrivant ces éléments, il ne s’agit pas de savoir si cette évolution est un progrès soi, mais simplement de décrire tout d’abord. Dans ce grand tri à faire de ce qui peut être un réel progrès, je crois profondément dans le potentiel des technologies de la blockchain. Elles peuvent permettre un monde plus décentralisé, où la valeur et la gouvernance sont mieux distribuées.
Je tends à croire que si les richesses et les décisions appartiennent au plus grand nombre, nous serons plus à même de penser plus loin et ensemble. Surtout, ces technologies progressent rapidement pour devenir de plus en plus frugales sur le plan énergétique. Il y a encore beaucoup d’itérations à faire avant de pousser pour un usage de masse, mais avec beaucoup de supervision et de volonté, il est possible de faire émerger un contre-pouvoir citoyen face aux mastodontes technologiques.
Réalité virtuelle
Concernant la réalité virtuelle, je suis encore mitigé, car je considère que le progrès n’est pas encore suffisant face au coût économique, social et environnemental que cette technologie implique. C’est pour cette même raison que je considère que le métavers n’est ni prêt ni acceptable pour le moment. Les investissements se poursuivent, et si la pression sociale reste forte, alors il se peut que dans quelques années le métavers soit un réel progrès socio-économique.
Je ne dis pas non, mais je ne dis pas encore oui. Il faut explorer les cas d’usage dès maintenant pour bien comprendre et choisir, mais en aucun cas se précipiter sur une adoption de masse qui serait désastreuse. Nous ne sommes pas assez matures en tant que société pour vivre dans deux réalités.
Web spatial & IA
Je ne m’attarderai pas trop sur le web spatial, qui est sans aucun doute la famille technologique la plus importante du web 3, mais également la plus complexe et la moins accessible. Sur le principe, l’analytique instantanée permet des usages plus fluides et plus complexes dans un temps plus court. Mais nous manquons encore de recul et de cadre sur l’éthique de l’intelligence artificielle.
Tant que les algorithmes ne seront pas systématiquement auditables et accessibles, nous serons à la merci de boites noires. Il est primordial de définir des critères d’éthicité autant que de performance pour cette technologie avant de la placer dans tous les aspects de la vie des organisations. Particulièrement lorsque l’on évoque les processus RH.
Dans les trois cas, on comprend bien que ces technologies émergentes ont besoin d’être raffinées avant d’apporter réellement de la valeur au plus grand nombre de manière durable. Je n’arrête pas de le dire, mais nous n’en sommes qu’à l’émergence du web 3 en 2022, et en parler ne signifie pas l’adopter sans réfléchir.
Au contraire, il s’agit de s’éduquer, de tester et d’apprendre, pour être prêt lorsque ces technologies seront réellement utiles, quelque part dans le courant de cette décennie. Cela peut paraitre loin, mais rappelez-vous 2010, c’était hier ! Et ‘tomorrow is only a day away’, pour reprendre le slogan de Tomorrow Theory.
Trouver le juste équilibre dans son rapport à la technologie
Je sais que mon positionnement complexe peut en déstabiliser certains. Comment puis-je faire la promotion des usages de la technologie alors que je critique si ardemment l’apport réel et les dangers de ces mêmes technologies ? Pour faire simple, je suis reconnaissant de bénéficier de l’électricité, d’antibiotiques, de chirurgie réparatrice, d’Internet, de livres, de lecteurs audio, de téléphone mobile, de moyens de transport rapides, de jeux vidéos, et même de Nutella.
Sans la technique, la technologie et la consommation de masse, toutes ces avancées ne pourraient pas exister ni perdurer. Pour autant, je reconnais que trop souvent nous faisons un mauvais usage de notre capacité à innover, et trop souvent nous le faisons au détriment des autres espèces et de nos descendants. Il doit forcément y avoir un juste équilibre à trouver entre l’âge de pierre et le transhumanisme cyberpunk, sinon… nous sommes déjà allés trop loin.
Dans ma nouvelle aventure entrepreneuriale, Tomorrow Theory, je cherche à trouver cet équilibre entre sciences, systémique humaine et technologie. Le travail formate de nombreuses manières notre société et ses citoyens. Si les organisations ont un rapport plus sain et conscient à la technologie, alors je suis convaincu que cela rejaillira sur le reste de la société, car les travailleurs sont également les consommateurs et les votants.
Il est possible de repenser les codes du recrutement, de la formation, de la collaboration et même de l’engagement au travail, en plaçant le curseur au bon endroit. Pour y parvenir avec succès, il s’agit d’abord comprendre le fonctionnement humain, puis d’exécuter la démarche scientifique pour identifier des solutions pérennes et réalisables, et enfin d’utiliser la technologie pour effectivement passer à l’échelle lorsque c’est nécessaire. Du bon sens en quelque sorte.
Conclusion
Parce que notre société a un passé, ses travers, et des décideurs économiques avec leur propre agenda, il n’y a qu’en remettant de la méthode qu’il sera possible de rectifier le tir. Pas d’obscurantisme et pas de technophilie inconsciente.
Pour terminer, j’aimerais faire un crossover des plus singuliers. D’un côté, Rabelais disait en son temps que science sans conscience n’est que ruine de l’âme, et cette citation m’a toujours suivie dans mon utilisation des sciences et de la technologie. D’un autre côté, Spiderman a été forgé par la conviction qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.
La capacité à réfléchir et agir en conscience est finalement le plus grand super pouvoir de notre civilisation, et que tout ce qui vient ensuite n’est qu’un amplificateur de ce pouvoir. Sans cela, est-ce la bêtise humaine que nous sommes en train d’amplifier ?
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