Utiliser ChatGPT sans perdre son cerveau : mode d’emploi
Grâce à ChatGPT, de plus en plus de gens gagnent du temps pour générer des idées, rédiger des contenus, ou analyser des documents. C’est génial, c’est rapide, et ça change la vie. Mais ça ne change pas que le travail… En effet, Microsoft vient de démontrer que ça affaiblit notre capacité d’esprit critique, et que ça nous rend… plus nuls ! Je vous décrypte cette étude, et je vous donne des conseils pour vous préserver de cette déchéance assurée :)
L’étude Microsoft qui jette un pavé dans la mare
L’utilité des IA génératives dans les métiers intellectuels est de plus en plus évidente. Ces IA facilitent l’accès à l’information, accélèrent la production de contenu et peuvent même donner des éléments utiles à la prise de décision. Pourtant, une étude récente menée par Microsoft Research et Carnegie Mellon University affiche une conclusion inquiétante : plus les utilisateurs ont confiance dans l’IA, moins ils mobilisent leur esprit critique. En parallèle, ceux qui ont une forte confiance en leurs propres compétences sont plus enclins à remettre en question les réponses générées, à les analyser et à les affiner. Cette dynamique pose un défi majeur aux entreprises : comment exploiter la puissance de ces outils sans affaiblir la capacité de réflexion et d’évaluation des collaborateurs ?
En plongeant un peu dans l’étude, on découvre que les IA génératives transforment profondément les circuits cognitifs des utilisateurs réguliers. Loin d’être un simple assistant, les IA redistribuent l’effort intellectuel. L’étude identifie trois grandes mutations dans la manière dont la pensée critique s’exerce au travail :
- De la recherche d’information à la validation. L’IA générative fournit immédiatement une réponse, une synthèse ou une analyse. L’utilisateur, au lieu de collecter et croiser les sources, se retrouve en position de vérificateur. Le risque ? Une illusion de maîtrise qui peut masquer une dépendance croissante à l’outil.
- Du problème à la solution, avec un effort d’intégration. Générer une réponse n’est plus un problème. Ce qui demande un effort, c’est de l’adapter au contexte, de la reformuler, de s’assurer qu’elle ne trahit ni l’intention initiale ni la réalité métier. L’enjeu ne réside plus dans la création de contenu, mais dans la capacité à piloter une réponse intelligente.
- De l’exécution à la gestion cognitive. L’utilisateur ne « fait » plus, il « supervise ». L’IA produit, l’humain orchestre. On passe d’un modèle d’exécution à un modèle de stewardship (intendance) : organiser, corriger, ajuster. Une posture qui semble valorisante, mais qui peut aussi conduire à une déconnexion progressive des compétences fondamentales.
Le sujet du point de vue de la fonction RH
Ce qui reste clé, ce n’est pas de savoir utiliser ChatGPT, mais bien de s’adapter au monde réel au quotidien, pour le comprendre et y créer de la valeur. Et dans cette vision, la pensée critique est un levier central de performance. Or, l’étude met en évidence un effet pervers : plus l’IA est performante, plus l’utilisateur risque de déléguer sa réflexion. Ce qui pose trois défis majeurs en développement des talents pour la fonction RH :
- Le calibrage de la confiance. Trop de confiance dans l’IA réduit la pensée critique ; pas assez de confiance réduit l’efficacité. L’enjeu est de former les collaborateurs à ajuster leur niveau de vigilance selon les tâches et les contextes.
- Le maintien des compétences fondamentales. Quand une tâche n’est plus pratiquée, la compétence s’érode. Si les IA génératives prennent en charge la structuration des idées, la rédaction ou l’analyse, comment s’assurer que ces capacités ne s’atrophient pas ?
- L’apprentissage d’un nouveau rôle. Être un bon utilisateur d’IA générative, ce n’est pas seulement savoir interagir avec la machine, c’est développer une capacité avancée d’évaluation, de synthèse et de pilotage des réponses générées.
L’enjeu n’est pas d’encadrer ou de freiner l’usage des IA génératives, mais de repenser en profondeur la manière dont elles s’intègrent dans l’organisation du travail et le développement des compétences. Si ces outils deviennent le cœur des processus cognitifs, leur introduction ne peut se limiter à une adoption technologique ; elle doit s’accompagner d’une transformation des pratiques professionnelles et managériales.
Et çacommence par une refonte des parcours de formation. L’apprentissage de l’IA ne peut plus se limiter à la maîtrise fonctionnelle d’un outil, comme on l’a vu avec les tableurs ou les logiciels d’analyse. Il s’agit d’enseigner une posture critique face aux réponses produites, d’apprendre à évaluer la pertinence d’un raisonnement, à détecter les biais, à affiner les consignes pour obtenir des résultats qui ne soient pas seulement pertinents en apparence, mais alignés avec une logique métier robuste. Les formations doivent intégrer des mises en situation où l’IA devient un interlocuteur avec lequel on débat et non un oracle dont on applique les réponses sans questionner leur construction.
Dans cette nouvelle configuration, le management joue un rôle central. L’IA générative modifie les dynamiques de collaboration en créant un effet de standardisation cognitive : face à une même requête, plusieurs collaborateurs obtiendront des réponses similaires et risquent de converger vers des conclusions identiques. Pour éviter un appauvrissement de la diversité intellectuelle, il devient essentiel de valoriser les approches différenciées, d’encourager les allers-retours entre la machine et l’expertise humaine, de stimuler des réflexions qui ne se contentent pas de valider mais de confronter, reformuler et enrichir. Le cadre de travail doit permettre de structurer cette supervision active plutôt que de transformer les utilisateurs en simples opérateurs d’IA.
L’organisation du travail elle-même doit évoluer. Là où les métiers de la connaissance se fondaient sur la production et l’analyse, ils s’orientent vers la validation et la mise en contexte. Ce glissement nécessite de redéfinir les attendus de certaines fonctions. Un expert ne sera plus jugé sur sa capacité à produire un contenu de qualité en autonomie, mais sur sa manière d’orienter et d’élever la pertinence d’un résultat généré. Cette évolution suppose des outils d’évaluation adaptés, capables de mesurer non plus seulement la rapidité ou l’exactitude, mais la qualité du raisonnement critique exercé sur l’output de l’IA.
Ce n’est pas seulement une question d’outillage ou de compétences individuelles, c’est une transformation du rôle de l’intelligence humaine dans la prise de décision et la création de valeur. L’enjeu ne réside pas dans la suppression de la pensée critique, mais dans sa redéfinition face à un environnement où la connaissance brute est immédiatement disponible. Il faut sortir du réflexe consistant à voir l’IA comme une simple automatisation et l’intégrer comme un partenaire cognitif exigeant, dont la maîtrise demande plus que de bons prompts : une capacité à maintenir un regard aiguisé et un cadre organisationnel qui donne à la réflexion humaine la place qui lui revient.
7 conseils pour garder son cerveau avec ChatGPT
Chez Tomorrow Theory, nous pensons que l’IA doit être un levier d’intelligence augmentée, et non un substitut à la pensée humaine. L’enjeu est de structurer son usage pour qu’elle stimule l’analyse et la créativité, plutôt que d’installer un automatisme où l’humain se contente d’accepter des réponses générées sans les questionner. Voici sept bonnes pratiques essentielles pour tirer parti des IA génératives tout en préservant un haut niveau d’exigence intellectuelle.
1. Vérifier systématiquement les réponses avant de les adopter
L’IA ne fournit pas des vérités absolues, mais des réponses probabilistes basées sur les données qu’elle a ingérées. Même lorsqu’une réponse semble parfaitement formulée, elle peut contenir des erreurs, des biais ou des raccourcis trompeurs. Avant d’intégrer une information, il est essentiel de la confronter à des sources fiables et de la replacer dans son contexte.
Un chiffre dans un rapport, une synthèse de tendances ou une explication technique doivent toujours être validés. Si l’IA affirme que 75 % des salariés préfèrent le télétravail, demandez-vous : sur quelle étude repose cette affirmation ? Quelle est la méthodologie employée ? Existe-t-il des contre-exemples ? Ce réflexe simple permet d’éviter les pièges de l’automatisation aveugle.
2. Poser plusieurs fois la même question sous différents angles
Les IA génératives tendent à proposer des réponses lisses et consensuelles, qui ne reflètent pas toujours la complexité d’un sujet. Reformuler la même question sous un angle différent permet d’obtenir une vision plus nuancée et d’identifier d’éventuelles contradictions.
Plutôt que de demander à l’IA de résumer les tendances RH en 2024, il est plus efficace de multiplier les approches : quels sont les arguments en faveur et contre ces tendances ? Quels experts contestent ces évolutions et pourquoi ? Quelles dynamiques observait-on il y a cinq ans et comment ont-elles évolué ? Cette approche permet de sortir du cadre simpliste et d’ouvrir des perspectives plus riches.
3. Prendre garde aux réponses trop simplistes
L’IA cherche avant tout à produire du contenu fluide et intelligible, mais cela peut conduire à une simplification excessive. Lorsqu’une réponse tient en quelques lignes et semble parfaitement évidente, il est probable qu’elle omette des éléments clés.
Un plan d’action, une stratégie ou une recommandation qui se résume à trois points généraux doit être enrichi. Pourquoi ces choix ? Quels sont les scénarios alternatifs ? Quels risques ou contraintes doivent être anticipés ? La pensée critique consiste à aller au-delà de l’évidence et à explorer la complexité sous-jacente.
4. Ne pas se contenter du copier-coller
L’IA générative est un outil d’aide, pas un rédacteur final. Un texte produit automatiquement doit être relu, ajusté et personnalisé pour correspondre à son contexte et à son destinataire. Lire la réponse à voix haute, identifier les tournures qui ne reflètent pas le ton attendu, reformuler les passages trop génériques permet de s’approprier réellement le contenu.
Un e-mail de relance client généré par IA peut être efficace sur la structure, mais il manque souvent une touche humaine. Un message standardisé comme “Nous revenons vers vous concernant notre offre…” sera bien plus engageant s’il est reformulé avec une approche plus naturelle et adaptée à l’interlocuteur.
5. Favoriser les échanges et la confrontation des idées
L’IA peut homogénéiser les réponses et conduire à une uniformisation des raisonnements. Pour éviter cet effet de standardisation, il est essentiel d’intégrer une étape de discussion collective. Partager les conclusions générées par l’IA avec ses collègues, confronter les points de vue et ajuster la réflexion en fonction des retours permet d’enrichir la prise de décision.
Une analyse stratégique produite par IA ne doit jamais être adoptée sans un débat. Pourquoi cette conclusion ? Y a-t-il des éléments que nous n’avons pas pris en compte ? Les biais de l’IA sont-ils visibles ? Ces échanges permettent de replacer l’outil dans un cadre réellement collaboratif.
6. Définir des règles de validation avant toute prise de décision
Dans les métiers du savoir, l’IA ne peut pas être un arbitre unique. Toute décision basée sur une réponse générée doit être soumise à un protocole de vérification : l’information est-elle fondée ? Des sources indépendantes la confirment-elles ? L’analyse produite tient-elle compte des spécificités du contexte ?
Si une IA suggère un classement de CV ou une orientation stratégique, il est indispensable de garder un regard critique. L’algorithme peut identifier des tendances, mais c’est à l’humain d’évaluer les nuances et de s’assurer que la décision repose sur des critères solides et pertinents.
7. Développer une culture de l’interaction intelligente avec l’IA
L’usage des IA génératives ne doit pas se limiter à une automatisation des tâches. L’enjeu est d’apprendre à structurer sa réflexion en s’appuyant sur ces outils sans perdre sa capacité d’analyse. Plutôt que d’accepter une réponse brute, il est plus efficace d’interagir avec l’IA comme on le ferait avec un collaborateur : demander des justifications, explorer d’autres approches, tester des scénarios divergents.
Rédiger une stratégie RH ne se résume pas à demander à l’IA de produire un document. L’interaction doit être progressive : d’abord identifier les grands axes, puis explorer les controverses, enfin confronter les réponses aux réalités du terrain. Cette approche permet d’utiliser l’IA comme un accélérateur de réflexion plutôt que comme une solution clé en main.
Conclusion
L’intégration des IA génératives dans les organisations est inévitable, mais son impact sur la pensée critique dépend entièrement de la manière dont elles sont utilisées. L’étude de Microsoft Research met en évidence un risque majeur : plus un collaborateur fait confiance à l’IA, moins il questionne ses résultats. Ce constat n’est pas anodin. Il ne s’agit pas d’une simple évolution technologique, mais d’une transformation en profondeur des modes de raisonnement et de décision dans l’entreprise.
Si l’IA est mal encadrée, elle crée un effet de délégation cognitive, où les collaborateurs se reposent sur ses suggestions au lieu d’affiner leur propre analyse. Le problème n’est pas tant la technologie que l’usage qu’on en fait. L’enjeu est donc de bâtir une culture où l’IA est un outil d’exigence et non une excuse pour baisser le niveau de vigilance intellectuelle. Car l’IA ne doit pas simplifier la pensée, mais l’aiguiser ; pas remplacer l’intelligence humaine, mais la stimuler. À condition que les organisations (=la fonction RH) posent les bonnes bases dès maintenant.
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[Article créé le 19 février 2025, par Jérémy Lamri avec le soutien des modèles Claude 3.5 Sonnet, Perplexity, GPT4o et o3-mini pour la structuration et l’enrichissement, et GPT4o et Napkin pour l’illustration. L’écriture est principalement la mienne, tout comme la plupart des idées de cet article].
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