[DOSSIER] Pourquoi s’intéresser à l’informatique quantique ?
Depuis quelque temps, l’intelligence artificielle (IA) est sur toutes les lèvres. Des outils comme ChatGPT ou DALL·E ont captivé l’imagination du grand public en générant du texte, des images et même des morceaux de musique presque comme par magie. Mais pendant que nous explorons ces nouvelles frontières, une autre révolution technologique avance à grands pas, presque en silence : celle de l’informatique quantique. Et si vous n’avez jamais entendu parler de cette technologie ou que le mot “quantique” vous donne des migraines, pas de panique. Cet article est là pour vous expliquer pourquoi cette avancée, combinée à l’IA, pourrait redéfinir nos sociétés et nos entreprises — et même la manière dont nous travaillons.
I — Un monde de plus en plus rapide et compliqué
Nous vivons une période d’accélération sans précédent. Alors que les crises se multiplient et s’accumulent, tout comme les innovations, il devient difficile de suivre, de comprendre, et de se projeter. Depuis l’apparition de ChatGPT, le sujet de l’Intelligence Artificielle capte l’attention du plus grand nombre et aussi interroge, en révélant progressivement son potentiel immense à transformer notre quotidien. Pourtant, cette révolution visible n’est que la pointe de l’iceberg. L’IA ouvre la voie à une multitude de révolutions technologiques, qui vont de l’informatique quantique à la réalité virtuelle, en passant par la blockchain et les avancées en biologie.
Ces technologies promettent de redéfinir notre monde, de la maîtrise de la fusion nucléaire, essentielle pour atteindre la neutralité carbone, à la transformation des modèles économiques et sociaux par la blockchain. Cependant, elles sont toutes de plus en plus complexes à comprendre. Très peu de personnes comprennent le fonctionnement d’un ordinateur quantique, ou pourquoi ces ordinateurs vont changer le monde à jamais. En parallèle, l’Intelligence Artificielle Générale, soutenue par ces innovations, se prépare à redéfinir notre conception de l’intelligence et à révolutionner le futur du travail. Ces intelligences seront capables d’effectuer en autonomie n’importe quelle tâche humaine au moins aussi bien qu’un humain.
Cependant, cette convergence technologique soulève une question cruciale : comment rendre ces avancées, souvent perçues comme inaccessibles, compréhensibles et exploitables par le plus grand nombre ? Seront-elles le moteur d’une croissance économique durable et équitable, ou risquent-elles de creuser davantage les inégalités ? Ce défi interpelle, exigeant une réflexion profonde sur notre capacité à intégrer ces innovations de manière responsable et inclusive, tout en les rendant accessibles à tous.
II — Comprendre les bases : qu’est-ce que la physique quantique ?
Avant de parler d’ordinateurs quantiques, il faut d’abord avoir quelques notions de physique quantique, car c’est là que tout commence. Et oui, accrochez-vous, on va parler d’atomes et de particules minuscules, mais promis, ce ne sera pas compliqué.
La physique quantique est une branche de la science qui étudie le comportement des particules à des échelles incroyablement petites : celles des atomes et des particules subatomiques (donc encore plus petites que des atomes, comme les électrons). À cette échelle, les lois de la physique classique — celles qui expliquent pourquoi et comment une balle tombe quand on la lâche — ne s’appliquent plus. Au lieu de cela, des phénomènes étranges se produisent : la superposition, l’intrication et la décohérence.
La superposition quantique : être plusieurs choses à la fois
Même si cela parait impossible, la superposition consiste à penser un interrupteur qui peut être à la fois “allumé” et “éteint” en même temps. C’est exactement ce que font les particules quantiques : elles peuvent exister dans plusieurs états simultanément.
Un exemple célèbre pour illustrer ce phénomène est le chat de Schrödinger, une expérience de pensée proposée par le physicien Erwin Schrödinger en 1935. Imaginez un chat enfermé dans une boîte avec un mécanisme qui a une chance sur deux de libérer un poison, de manière aléatoire. Tant que vous n’ouvrez pas la boîte, vous ne savez pas si le chat est mort ou non. En physique quantique, on dira qu’il est à la fois mort et vivant, un peu comme s’il y avait deux chats dans la boite. C’est ce que l’on appelle une superposition d’états. Ce n’est qu’en ouvrant la boîte que l’un des deux états se “réalise”.
Un autre exemple pourrait être celui d’un labyrinthe. Normalement, pour s’en sortir, il va falloir explorer un chemin à la fois, jusqu’à trouver le bon. Un fonctionnement quantique consisterait à explorer tous les chemins possibles en même temps. Vous voyez un peu le temps gagné sur la démarche ? Voilà, on commence à toucher à l’intérêt de l’informatique quantique.
Bien sûr, avec l’exemple du chat ou du labyrinthe, cela parait bête, mais à toute petite échelle, c’est bien ainsi que les particules se comportent : elles ne font pas de choix, elles font tout en même temps, et sont donc plusieurs choses ou à plusieurs endroits à la fois ! C’est donc le cas des électrons, utilisés en électronique (woooow, épiphanie pour certains j’imagine), et également des photons (les particules de la lumière, et les remplaçants des électrons dans l’informatique de demain, la photonique).
L’intrication quantique : la télépathie des particules
L’intrication est un autre phénomène étrange. Deux particules peuvent devenir “connectées” de telle manière que si vous modifiez l’une, l’autre réagit instantanément, peu importe qu’elles soient toutes proches, ou séparées par des millions de kilomètres. C’est comme si elles partageaient un lien télépathique. Albert Einstein appelait cela “une action fantomatique à distance”, car cela semblait défier sa théorie de la relativité, selon laquelle rien ne peut voyager plus vite que la lumière. Et bien l’intrication s’en fiche de la distance, littéralement.
Un exemple concret de l’intrication est utilisé dans la cryptographie quantique. Grâce à l’intrication, on peut créer des clés de chiffrement impossibles à pirater. Si quelqu’un tente d’intercepter la communication, l’état des particules change immédiatement, alertant les utilisateurs qu’une intrusion a eu lieu.
La décohérence quantique : le talon d’Achille du système
Tout cette “magie quantique” est incroyablement fragile, sinon ce serait trop simple. La décohérence est le phénomène par lequel un système quantique perd ses propriétés quantiques à cause de son interaction avec l’environnement. Imaginez que vous essayez de tenir une bulle de savon dans vos mains : le moindre souffle, la moindre vibration, et elle éclate. Le simple fait de regarder un système quantique le fait entrer en décohérence. Autrement dit, cela l’oblige à choisir un état en particulier, plutôt que de pouvoir rester dans tous les états. Un peu comme quand on ouvre la boite de Shcrodinger, et qu’on voit un chat (mort ou vivant).
Pour mieux comprendre, prenons une analogie musicale. Imaginez un orchestre où chaque instrument a un comportement ‘quantique’. Si chaque musicien joue en parfaite harmonie (superposition et intrication), la symphonie est magnifique. Mais si un seul musicien joue faux (décohérence), tout l’ensemble est ruiné. Les chercheurs travaillent donc sur des “techniques de correction d’erreurs quantiques”, un peu comme un chef d’orchestre qui corrige immédiatement les fausses notes.
Ces trois concepts — superposition, intrication et décohérence — forment le cœur de la physique quantique et expliquent à la fois le potentiel et les défis des ordinateurs quantiques. Tous ces concepts peuvent sembler absurdes, mais ils ont été vérifiés expérimentalement et sont à la base d’innovations comme les lasers et les IRM que nous utilisons aujourd’hui. Vous pouvez étudier et même reproduire vous-mêmes des expériences surprenantes comme celle des Fentes de Young.
III—Des ordinateurs classiques aux ordinateurs quantiques
Avant d’aller plus loin, faisons un détour rapide par les ordinateurs que nous utilisons tous les jours. Les ordinateurs classiques fonctionnent grâce à des bits, qui sont des unités d’information, autrement dit pouvant être soit 0, soit 1. Ces deux valeurs correspondent au système binaire, une méthode de comptage qui n’utilise que deux chiffres, contrairement au système décimal (de 0 à 9) que nous utilisons au quotidien. Le binaire est essentiel pour les ordinateurs car il reflète directement le fonctionnement des composants électroniques : un interrupteur peut être éteint (0) ou allumé (1).
Par exemple, une simple image en noir et blanc peut être représentée en binaire, où chaque pixel est un 0 (noir) ou un 1 (blanc). Si vous additionnez plusieurs bits, comme 8 bits (un octet), cela permet de coder plus d’informations, comme une lettre de l’alphabet (par exemple, le “A” est 01000001 en binaire). Le binaire est donc le langage fondamental des machines. Tous les chiffres, toutes les lettres, toutes les images, et tout ce que vous voyez et ne voyez pas dans votre ordinateur est du langage binaire. Et en vrai, c’est le cas de l’univers tout entier (mais on garde ça pour une autre fois !).
Ces fameux bits (interrupteurs 0 ou 1) sont manipulés par des circuits électroniques qui utilisent la circulation des électrons pour effectuer des calculs. Un ordinateur classique, c’est en fait un immense réseau d’interrupteurs (les transistors) qui s’allument et s’éteignent pour traiter des informations. C’est ainsi que votre ordinateur peut afficher des vidéos, envoyer des e-mails ou jouer à des jeux vidéo. Mais même les superordinateurs les plus puissants atteignent leurs limites lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes extrêmement complexes, comme simuler des interactions moléculaires ou optimiser des réseaux logistiques à grande échelle. Parce qu’il doivent calculer les possibilités l’une après l’autre, comme lorsqu’on doit explorer un par un les chemins pour sortir d’un labyrinthe.
Les ordinateurs quantiques ne sont pas simplement des versions “plus rapides” ou “plus puissantes” de nos ordinateurs classiques. Ils représentent une rupture totale dans la manière dont nous concevons le calcul. Pour bien comprendre ce qui les rend si révolutionnaires, il faut examiner leur fonctionnement, leurs avantages, leurs limites et les défis qu’ils posent. Et surtout comprendre le principe de Qubit, qui vient remplacer le bit.
Les qubits : l’unité de base de l’information quantique
Dans un ordinateur classique, l’unité de base de l’information est le bit, qui peut être soit 0, soit 1. Ces bits sont manipulés par des circuits électroniques pour effectuer des calculs. Mais dans un ordinateur quantique, l’unité de base est le qubit, qui fonctionne de manière fondamentalement différente grâce aux propriétés de la physique quantique.
- Superposition : un qubit peut représenter à la fois 0 et 1 simultanément, grâce à la superposition. Cela signifie qu’un seul qubit peut contenir plus d’informations qu’un bit classique. Avec plusieurs qubits, cette capacité explose : un système de 2 qubits peut représenter 4 états simultanément (00, 01, 10, 11), 3 qubits peuvent représenter 8 états, et ainsi de suite. La puissance de calcul d’un ordinateur quantique croît exponentiellement avec le nombre de qubits.
- L’intrication : lorsque des qubits sont intriqués (associés), leurs états deviennent interdépendants, même s’ils sont physiquement séparés. Cela permet à un ordinateur quantique de traiter des informations de manière ultra-efficace, en utilisant des relations complexes entre les qubits pour résoudre des problèmes. Un peu comme si plusieurs cerveaux étaient connectés et en phase parfaite pour collaborer.
IV— Comment fonctionne un ordinateur quantique en pratique ?
Un ordinateur classique suit une séquence d’instructions linéaires : il effectue une opération après l’autre, même si certaines opérations peuvent être parallélisées. En revanche, un ordinateur quantique adopte une approche totalement différente. Les qubits sont initialisés dans un état de superposition. Par exemple, ils peuvent représenter tous les états possibles d’un problème simultanément.
Ensuite, des algorithmes spécifiques, comme l’algorithme de Shor (pour factoriser des nombres) ou l’algorithme de Grover (pour rechercher dans une base de données non triée), utilisent les propriétés quantiques pour effectuer des calculs beaucoup plus rapidement qu’un ordinateur classique. Ces algorithmes exploitent la superposition et l’intrication pour explorer plusieurs solutions simultanément, et la décohérence est minimisée grâce à des techniques de correction d’erreurs.
Une fois le calcul terminé, les qubits sont mesurés, autrement dit “observés”. Lors de cette mesure, les qubits sont donc forcés de choisir un état spécifique (0 ou 1), et le résultat final est obtenu. Ce processus peut sembler étrange : pourquoi mesurer un qubit détruit-il sa superposition ? Cela reflète une des bizarreries fondamentales de la physique quantique, où l’acte d’observation influence l’état du système. C’est la fameuse décohérence dont nous avons parlé plus tôt.
Ce que les ordinateurs quantiques font mieux que les classiques
Les ordinateurs quantiques ne remplaceront pas les ordinateurs classiques pour toutes les tâches. Ils sont particulièrement adaptés à certains types de problèmes qui exploitent leurs propriétés uniques. Voici quelques domaines où ils brillent :
- Factorisation de grands nombres (cryptographie) : l’algorithme de Shor permet de factoriser de très grands nombres de manière exponentiellement plus rapide qu’un ordinateur classique. Cela menace les systèmes de cryptographie actuels, qui reposent sur la difficulté de cette tâche pour protéger les données.
- Recherche dans des bases de données : l’algorithme de Grover permet de rechercher un élément spécifique dans une base de données non triée beaucoup plus rapidement qu’un algorithme classique. Par exemple, il pourrait être utilisé pour optimiser des recherches dans des bases de données massives.
- Simulation de systèmes complexes : les ordinateurs quantiques sont particulièrement efficaces pour simuler des systèmes quantiques eux-mêmes, comme les interactions entre molécules ou les réactions chimiques. Cela ouvre des perspectives incroyables pour la découverte de nouveaux médicaments, la conception de matériaux révolutionnaires ou encore la compréhension des phénomènes physiques complexes.
- Optimisation : de nombreux problèmes du monde réel, comme l’optimisation des itinéraires de transport ou la gestion des ressources énergétiques, peuvent être modélisés comme des problèmes d’optimisation. Les ordinateurs quantiques peuvent explorer simultanément de nombreuses solutions possibles pour trouver l’option optimale.
- Apprentissage automatique et IA : et oui, on y vient ! L’informatique quantique pourrait révolutionner l’IA en accélérant l’entraînement des modèles d’apprentissage automatique. Par exemple, des algorithmes quantiques pourraient permettre de résoudre des problèmes d’optimisation ou de calcul matriciel, qui sont au cœur des systèmes d’IA.
Les défis et limites des ordinateurs quantiques
Malgré leur potentiel, les ordinateurs quantiques sont encore loin d’être parfaits. Voici quelques-uns des principaux défis à relever :
- La décohérence : comme mentionné plus tôt, la décohérence est le principal obstacle. Les qubits sont extrêmement sensibles à leur environnement, et la moindre perturbation peut détruire les calculs. Maintenir un système quantique stable nécessite des conditions extrêmes, comme des températures proches du zéro absolu.
- La correction d’erreurs : contrairement aux ordinateurs classiques, où les erreurs peuvent être facilement corrigées, les ordinateurs quantiques nécessitent des techniques complexes pour détecter et corriger les erreurs sans détruire les états quantiques. Les chercheurs travaillent sur des qubits “logiques”, qui combinent plusieurs qubits physiques pour créer un qubit plus stable, comme ce que font Microsoft et Quantinum.
- Le faible nombre de qubits : les ordinateurs quantiques actuels sont encore limités en termes de nombre de qubits. Par exemple, les systèmes disponibles aujourd’hui (comme ceux d’IBM ou de Google) comptent quelques dizaines à quelques centaines de qubits, alors que des milliers ou des millions de qubits seront nécessaires pour des applications pratiques à grande échelle.
- La complexité des algorithmes : tous les problèmes ne peuvent pas être résolus plus rapidement avec un ordinateur quantique. Il faut développer des algorithmes spécifiques pour exploiter leurs propriétés uniques, et cela demande un travail considérable.
V — Comment l’informatique quantique va changer le monde
Malgré ces défis, les progrès récents sont impressionnants. En 2019, Google a annoncé avoir atteint la suprématie quantique : leur ordinateur quantique a résolu en 200 secondes un problème qui aurait pris 10 000 ans à un superordinateur classique. Bien que ce problème n’ait pas d’application pratique, il a démontré la puissance potentielle des ordinateurs quantiques. De grandes entreprises comme IBM, Microsoft et des startups comme Rigetti Computing ou IonQ investissent massivement dans cette technologie. En parallèle, des initiatives nationales, notamment en Chine et en Europe, visent à accélérer le développement de l’informatique quantique.
Surtout, les ordinateurs quantiques arrivent enfin sur le marché. Microsoft, en collaboration avec Atom Computing, prévoit de commercialiser des ordinateurs quantiques dès l’année prochaine. Cette initiative repose sur la combinaison d’atomes neutres et de lasers de pointe, afin de permettre une manipulation précise des qubits logiques. L’informatique quantique ne se contentera pas de révolutionner le domaine de la technologie : elle aura des répercussions profondes sur presque tous les aspects de notre société. Des secteurs entiers, allant de la cybersécurité à la recherche scientifique, en passant par l’énergie et l’intelligence artificielle, seront transformés.
Ces changements ne se limiteront pas à des avancées techniques : ils redéfiniront la façon dont nous résolvons les problèmes, conduisons nos entreprises et même abordons les défis globaux comme le changement climatique ou les pandémies. Dans cette section, examinons les impacts majeurs que l’informatique quantique pourrait avoir sur le monde.
1. Cryptographie et cybersécurité : un monde à réinventer
Aujourd’hui, la sécurité de nos données repose sur des algorithmes de cryptographie qui sont pratiquement incassables pour les ordinateurs classiques. Par exemple, les systèmes de cryptographie RSA, qui protègent vos transactions bancaires et vos communications en ligne, reposent sur la difficulté de factoriser de très grands nombres. Pour un ordinateur classique, cette tâche prendrait des milliers, voire des millions d’années. Mais avec un ordinateur quantique suffisamment puissant, cette tâche pourrait être accomplie en quelques secondes grâce à l’algorithme de Shor. Cela signifie que les données que nous considérons comme sécurisées aujourd’hui pourraient devenir vulnérables du jour au lendemain. Les gouvernements, les entreprises et les citoyens devront repenser entièrement la manière dont nous protégeons nos informations.
Pour répondre à cette menace, les chercheurs développent des systèmes de cryptographie “post-quantiques”, conçus pour résister aux attaques des ordinateurs quantiques. Ces nouveaux algorithmes, basés sur des problèmes mathématiques différents (comme les réseaux euclidiens ou les isogénies elliptiques), pourraient devenir la norme dans les années à venir. En parallèle, l’informatique quantique ouvre la voie à des systèmes de cryptographie quantique basés sur les lois de la physique quantique elles-mêmes. Par exemple, les protocoles de distribution de clés quantiques (comme le protocole BB84) utilisent l’intrication pour garantir que toute tentative d’espionnage sera immédiatement détectée. Cela pourrait offrir un niveau de sécurité sans précédent, notamment pour les communications gouvernementales et militaires.
2. Recherche scientifique et innovation : une accélération exponentielle
Les ordinateurs quantiques sont particulièrement adaptés pour simuler des systèmes quantiques eux-mêmes, comme les interactions entre atomes et molécules. Les ordinateurs quantiques pourraient permettre de modéliser des phénomènes physiques complexes, comme les interactions dans les plasmas ou les systèmes à plusieurs corps. Ces avancées pourraient accélérer la compréhension de phénomènes fondamentaux, comme la gravité quantique ou la matière noire. Dans le domaine de la biologie, l’informatique quantique pourrait être utilisée pour simuler des processus biologiques complexes, comme le repliement des protéines, qui est crucial pour comprendre les maladies et concevoir des traitements.
Cela pourrait révolutionner des domaines comme la découverte de médicaments ou la conception de matériaux révolutionnaires. D’un côté, on pourrait simuler avec précision les interactions entre des molécules, pour concevoir de nouveaux traitements pour des maladies incurables, comme le cancer ou Alzheimer. D’un autre côté, on pourrait modéliser puis créer des matériaux supraconducteurs à température ambiante, qui pourraient transformer les réseaux électriques, ou des matériaux plus légers et plus résistants pour l’aérospatial.
3. Énergie et environnement : des solutions aux défis globaux
L’énergie et l’environnement sont deux des plus grands défis auxquels nous faisons face aujourd’hui. L’informatique quantique pourrait jouer un rôle clé dans leur résolution. La fusion nucléaire, souvent considérée comme le “Saint Graal” de l’énergie propre, repose sur la capacité à reproduire les réactions qui se produisent dans le cœur des étoiles. Pour que la fusion se produise, il faut atteindre des températures et des pressions similaires à celles du cœur des étoiles. Cela signifie chauffer un gaz jusqu’à ce qu’il devienne un plasma à des températures de plus de 100 millions de degrés Celsius.
Le principal défi est de contenir ce plasma ultra-chaud sans qu’il touche les parois du réacteur, car aucun matériau ne peut résister à de telles températures. Les scientifiques utilisent des champs magnétiques puissants pour confiner le plasma dans un espace sans contact direct avec les surfaces solides. C’est un peu comme tenir un morceau de soleil dans un champ magnétique. Et pour y arriver, il faut anticiper toutes les réactions qui se produisent dans la fusion. Mais seulement voilà, le comportement du plasma est très complexe et difficile à prévoir. Même avec les technologies informatiques avancées, prévoir avec précision le comportement du plasma reste un défi majeur. Les ordinateurs quantiques pourraient simuler ces processus avec une précision inégalée, pour accélérer de plusieurs années ou décennies le développement des réacteurs à fusion.
4. Intelligence artificielle : une accélération vers l’IAG
L’intelligence artificielle est déjà en train de transformer nos vies, mais elle est limitée par la puissance de calcul des ordinateurs classiques. L’informatique quantique pourrait débloquer des niveaux de performance sans précédent. L’entraînement des modèles d’apprentissage automatique, comme ceux utilisés pour ChatGPT ou les voitures autonomes, nécessite des quantités massives de calculs. Les ordinateurs quantiques pourraient accélérer ces processus en exploitant des algorithmes quantiques pour résoudre des problèmes d’optimisation ou de calcul matriciel.
L’informatique quantique pourrait également permettre de développer de nouveaux types d’algorithmes d’apprentissage, qui exploitent directement les propriétés quantiques pour analyser des données de manière plus rapide et plus précise. L’IAG, ou IA générale, capable de penser et d’apprendre mieux qu’un humain, est souvent considérée comme un objectif lointain. Mais avec l’informatique quantique, il serait possible d’accélérer les progrès vers cet objectif en permettant des simulations plus complexes et des modèles plus sophistiqués.
5. Économie et optimisation : un impact sur les entreprises et les industries
L’informatique quantique ne se limitera pas aux laboratoires de recherche : elle aura des applications concrètes dans le monde des affaires et de l’industrie. Les problèmes d’optimisation sont omniprésents dans l’industrie : planification des itinéraires de transport, gestion des stocks, optimisation des chaînes d’approvisionnement, etc. Les ordinateurs quantiques pourraient résoudre ces problèmes de manière beaucoup plus rapide et efficace, ce qui réduirait les coûts et augmenterait la productivité.
Dans le secteur financier, l’informatique quantique pourrait être utilisée pour optimiser les portefeuilles d’investissement, modéliser les risques ou simuler des scénarios de marché complexes. Cela pourrait transformer la manière dont les banques et les gestionnaires de fonds prennent leurs décisions. Les entreprises pourraient utiliser l’informatique quantique pour accélérer la conception de nouveaux produits, que ce soit dans l’automobile, l’aérospatial, la chimie ou l’électronique. Par exemple, simuler et optimiser le design d’une nouvelle voiture électrique pourrait être réalisé en une fraction du temps nécessaire aujourd’hui.
VI — Le quantique : des implications sociétales et éthiques profondes
L’informatique quantique n’est pas qu’une avancée technique ou scientifique : c’est une technologie qui pourrait bouleverser les fondations mêmes de notre société. Comme toute révolution technologique majeure — de l’électricité à l’intelligence artificielle — elle apportera des opportunités incroyables, mais aussi des défis éthiques et sociétaux complexes. Ces défis ne sont pas seulement des problèmes à résoudre ; ils soulèvent des questions fondamentales sur la manière dont nous voulons structurer nos sociétés et utiliser les technologies pour le bien commun.
Aujourd’hui, seuls quelques pays et entreprises disposent des ressources nécessaires pour se positionner en leaders dans ce domaine. Les États-Unis, la Chine et l’Union européenne, ainsi que des entreprises comme Google, IBM, Microsoft et Alibaba, investissent massivement pour développer des ordinateurs quantiques et leurs applications. Mais pour les autres nations et entreprises, cette technologie est complètement hors de portée. Au sein même d’une population, la fracture numérique, déjà visible avec l’accès inégal à Internet et aux technologies de l’information, pourrait s’aggraver. Si l’informatique quantique devient un levier clé pour l’innovation et la compétitivité, les individus, entreprises et pays qui n’y ont pas accès risquent d’être marginalisés. Cela pourrait limiter leur capacité à participer pleinement à l’économie mondiale et à bénéficier des avancées technologiques.
Pour éviter que l’informatique quantique ne devienne un facteur d’exclusion, il est urgent de promouvoir des initiatives globales pour partager les connaissances et les ressources en informatique quantique, comme ça a été fait pour le séquençage du génome humain. Il faut également encourager des modèles économiques qui permettent un accès démocratique aux technologies quantiques, par exemple via de l’open source ou des partenariats public-privé. Et surtout, qu’on le veuille ou non, il faudra mettre en place des cadres juridiques et éthiques pour éviter les abus de pouvoir et garantir que les bénéfices de l’informatique quantique soient partagés équitablement. Après l’AI Act, le Quantum Act ?
Conclusion
Nous sommes entrés dans un monde “BANI” (Fragile-Anxiogène-Non linéaire-Incompréhensible). Les crises climatiques, économiques, sanitaires et géopolitiques s’entrelacent dans des schémas complexes, souvent imprévisibles et difficiles à appréhender avec les outils traditionnels. Dans ce contexte, l’informatique quantique apparaît à la fois comme une promesse et un défi : une technologie capable de résoudre des problèmes d’une complexité écrasante, mais qui, mal utilisée, pourrait exacerber les fractures et les incertitudes de notre époque.
Cette technologie ne se contentera pas de transformer les laboratoires de recherche ou les grandes entreprises technologiques : elle aura des répercussions directes sur le quotidien des individus : développement de nouveaux médicaments, optimisation des réseaux de transport pour réduire les embouteillages, ou encore télécommunications plus sûres. Mais elle pourrait aussi bouleverser nos emplois, exposer nos données personnelles à de nouveaux risques, ou creuser les inégalités entre ceux qui maîtrisent cette technologie et ceux qui n’y ont pas accès.
Comme pour les IA génératives, l’informatique quantique doit nous rappeler que les technologies ne sont jamais neutres : elles reflètent les choix que nous faisons en tant que société. Allons-nous utiliser cette puissance de calcul pour résoudre les grands défis globaux, comme le changement climatique et les pandémies, ou pour renforcer des systèmes de pouvoir et de contrôle déjà inégalitaires ? Allons-nous investir dans l’éducation et la formation pour que chacun puisse participer à cette révolution, ou laisserons-nous cette technologie entre les mains d’une élite restreinte ?
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[Article créé le 21novembre 2024, par Jérémy Lamri avec le soutien des modèles Claude 3.5 Sonnet, GPT4o et GPTo1 pour la structuration et l’enrichissement, et GPT4o pour l’illustration. L’écriture est principalement la mienne, tout comme la plupart des idées de cet article].
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